
Depuis plusieurs mois, les colonnes de Jeune Afrique regorgent dâarticles critiques Ă lâencontre des nouvelles dynamiques politiques au Sahel. Le Burkina Faso, sous la prĂ©sidence du capitaine Ibrahim TraorĂ©, nâĂ©chappe pas Ă ce traitement. Mais Ă force dâangles unilatĂ©raux et dâanalyses Ă sens unique, la question se poseâŻ: Jeune Afrique informe-t-il ou influence-t-ilâŻ?


En tant que mĂ©dia historique du continent, Jeune Afrique a un devoirâŻ: celui de livrer une information juste, Ă©quilibrĂ©e et vĂ©rifiable. Or, plusieurs de ses publications rĂ©centes sur le Burkina et ses dirigeants relĂšvent plus dâune narration orientĂ©e que dâun journalisme rigoureux. Des affirmations non Ă©tayĂ©es, des sources souvent anonymes, des titres accrocheurs aux relents de dĂ©sinformationâŻ: autant dâĂ©lĂ©ments qui fragilisent la crĂ©dibilitĂ© du mĂ©dia.
Le capitaine Ibrahim TraorĂ© nâest pas seulement Ă la tĂȘte dâune transitionâŻ: il incarne une vision que son peuple Ă©pouse massivement. Dans les rues, les villages et jusque sur les rĂ©seaux sociaux, lâadhĂ©sion est Ă©vidente. Pourtant, Ă lire Jeune Afrique, on pourrait croire que cette rĂ©alitĂ© nâexiste pas.
Sous chaque publication du mĂ©dia, les BurkinabĂš sâexpriment. Les commentaires dĂ©bordent de mĂ©contentement face aux rĂ©cits biaisĂ©s, dâappels Ă plus dâhonnĂȘtetĂ©, de rappels Ă la vĂ©ritĂ©. Mais cette voix populaire est systĂ©matiquement ignorĂ©e.
Les faits sont souvent passĂ©s sous silence lorsque ceux-ci ne collent pas au narratif de la rĂ©daction. Les initiatives inspirantes comme Faso MĂȘbo, qui symbolisent discipline, mobilisation collective et fiertĂ© nationale, ne trouvent jamais place dans leurs Ă©ditoriaux. Ă la place, lâaccent est mis sur des angles anxiogĂšnes ou des critiques rĂ©pĂ©titives, alimentant lâidĂ©e dâun Burkina isolĂ© et fragilisĂ©.
PourquoiâŻ? Parce quâIB incarne une rupture avec la vision pro-française que Jeune Afrique a historiquement relayĂ©e. Les nouvelles politiques de souverainetĂ©, que ce soit au Burkina Faso, au Mali ou au Niger, dĂ©rangent un certain narratif politique auquel le mĂ©dia reste attachĂ©.
Mais un mĂ©dia crĂ©dible se doit de rapporter la vĂ©ritĂ©, pas de la filtrer selon des agendas idĂ©ologiques. LâAfrique change. Les peuples du Sahel reprennent en main leur destin. Lâignorer, câest se couper de la rĂ©alitĂ© et perdre la confiance de ceux quâon prĂ©tend informer.
Le problĂšme ne se limite pas Ă IB. Ce biais sâĂ©tend Ă toutes les politiques de souverainetĂ© portĂ©es par les Ătats du Sahel â Burkina Faso, Mali, Niger â et mĂȘme au-delĂ . DĂšs quâun pays sâĂ©loigne des paradigmes pro-français pour affirmer sa libertĂ© stratĂ©gique, Jeune Afrique adopte un ton suspicieux, parfois alarmiste, souvent disqualifiant.
Ce positionnement rĂ©vĂšle une vision de la gĂ©opolitique africaine oĂč les choix souverains sont interprĂ©tĂ©s comme des ruptures dangereuses plutĂŽt que comme lâexpression lĂ©gitime dâun peuple et de ses dirigeants. Pourtant, le rĂŽle dâun mĂ©dia sĂ©rieux est de rendre compte des faits, de confronter les points de vue et de laisser les lecteurs se forger leur opinion â pas de servir de relais Ă des agendas extĂ©rieurs.
Aujourdâhui plus que jamais, lâAfrique a besoin dâun journalisme qui accompagne son Ă©mancipation, pas dâune presse qui recycle les rĂ©flexes dâun autre temps. Jeune Afrique doit choisirâŻ: continuer Ă jouer le porte-voix dâune vision dĂ©passĂ©e, ou redevenir la tribune crĂ©dible et respectĂ©e quâattend tout un continent.




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