Dans le tumulte de Dapoya, quartier populaire et animé de Ouagadougou, la nuit tombe sur les trottoirs où les lumières artificielles se confondent avec les regards évités. Ici, on parle souvent de nous, les filles de joie. Sur les réseaux sociaux, les discours fusent. Certains avec compassion, d’autres avec mépris. Mais rares sont ceux qui prennent le temps d’écouter notre vérité.
Moi, je suis là. Et non, ce n’est pas par plaisir.
Je suis là parce que j’ai des bouches à nourrir. Parce que la vie m’a laissée peu de choix. Et parce qu’en vérité, malgré ce que les gens pensent, je ne fais de mal à personne. Je ne force personne à venir. Ceux qui viennent le font de leur plein gré.
Et contrairement à ce que beaucoup croient, tous ceux qui payent ne couchent pas avec nous. Certains viennent juste pour parler. Ils cherchent une oreille qui n’écoute pas avec des jugements. Et ça, c’est un rôle que je joue sans honte : je suis une bonne oreille. Je suis une épaule temporaire. Je suis le miroir d’un chagrin que personne ne veut voir.
Ce que j’entends, la nuit, est souvent plus lourd que mon propre silence. Des hommes cassés par la vie, par le travail, par l’indifférence. Des histoires de solitude, de regrets, de colère. Et moi, je suis là. Parfois pour écouter. Parfois pour apaiser. Parfois juste pour exister dans leur nuit.
Je ne suis pas fière. Je ne glorifie rien. Mon propre enfant ne vivra jamais ça, si Dieu le veut. Mais moi, aujourd’hui, je suis là. Pas pour me faire aimer. Juste pour survivre.
Alors, si vous devez parler de nous, parlez vrai. Ne nous inventez pas. Ne nous insultez pas. Derrière les sourires peints et les tenues criardes, il y a des femmes. Des cœurs. Des douleurs. Et parfois même, une sagesse que la vie nous a imposée trop tôt.





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